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Flottille pour Gaza: deux capitaines SEV arrêtés en Méditerranée

Forte de sept bateaux et d’une vingtaine de membres, la délégation helvétique a pris la mer mi-septembre pour rejoindre la flottille internationale pour briser le blocus israélien et apporter de l’aide humanitaire à Gaza. Les équipages de la flottille, dont deux membres du SEV, ont été arrêtés illégalement. Les deux capitaines ont été libérés sans le soutien diplomatique demandé par le SEV et l’USS.

Lionel, Marc et Stéphane : une partie de l’équipage du Captain Nikos alors en route pour Gaza.

Marc Formosa et Lionel Simonin, ancien et actuel président de section SEV-VPT-Lac Léman (CGN), ont pris la mer fin septembre à bord du Captain Nikos pour rejoindre la Global Sumud Flotilla en direction de Gaza. La flottille est forte de plus de 450 militant·es issu·es de 44 nationalités réparti·es sur une cinquantaine de navires.

À bord de leur bateau de 13,5 mètres, Lionel et Marco expliquent que « c’est tout à fait supportable en étant bien organisé avec trois cabines à deux places, deux toilettes, une kitchenette, un carré, une plage arrière extérieure et un petit pont supérieur. Rien de luxueux pour 12 personnes. » Quand nous les joignons, le 30 septembre, ils ressentent « un mélange d’appréhension compensé par le besoin d’être là. »

Message humanitaire et pacifiste

Cette initiative pacifiste internationale vise à briser le blocus illégal imposé par Israël à la population gazaouie, à ouvrir un corridor pour acheminer de l’aide humanitaire (lait en poudre, filtres à eau, médicaments…). Avec quelles chances de réussite ? « Elles sont faibles a priori, reconnaissent-ils. Mais elles semblent augmenter au fur et à mesure que les États, sous la pression populaire comme en Espagne, des syndicats comme la CGT en France, des dockers en Italie et des peuples qui se révoltent partout dans le monde, se réveillent, annoncent leur soutien à la Flottille, leur soutien au peuple de la Palestine reconnaissant son droit à disposer d’elle-même. »

Pourquoi sont-ils partis ? « Pour défendre le droit humanitaire, mettre la lumière sur Gaza et la pression sur les gouvernements inactifs et complices de ce génocide. Pour que ces gouvernements aient honte en voyant que ce sont de petites gens comme nous qui agissent à leur place. Comment est-ce possible de regarder ces images sans rien faire ? De regarder ces enfants mourir de faim, assassinés sous les bombes et les tirs des snipers israéliens sans rien faire ? Nous sommes le peuple, et les enfants de Gaza sont nos enfants. Nous sommes obligés de prendre des risques, et nous irons aussi loin que possible porter notre message humanitaire et non violent, avec bien sûr l’idée de rentrer serrer nos proches dans nos bras très vite. »

Le 11 septembre, l’Union syndicale suisse (USS) a exprimé son « soutien aux représentants de la société civile et les syndicalistes qui s’engagent pour la justice et la paix en participant à la flottille à destination de Gaza » et appelle « les autorités israéliennes à laisser acheminer l’aide humanitaire. [...] Les attaques répétées touchant la population civile, la famine provoquée par le gouvernement israélien et ses actes génocidaires doivent cesser » écrit la faîtière, se joignant aux autres syndicats européens solidaires. Nos deux collègues de la CGN ont reçu le soutien de leur comité qui a indiqué que « face au désastre humanitaire dont l’ampleur nous horrifie [...], nous tenons à saluer et soutenir [leur] engagement. » Un tel soutien a aussi été exprimé par les sections SEV des tpg, tpf et MBC.

Syndicalisme, lutte et solidarité

Cette mission a-t-elle un lien avec leur engagement au SEV ? « Toutes les luttes se rejoignent, et si l’on ne fait rien, ce qui se passe chez notre voisin aujourd’hui se produira chez nous demain. Quand nos camarades tessinois font la grève pour protéger leurs emplois, nous sommes solidaires et nous nous mobilisons. Comment ne pas le faire pour des camarades palestiniens qui meurent écrasés par les bombes et la famine ? Le syndicalisme, la lutte et la solidarité n’ont pas de frontières et ne s’arrêtent pas aux portes du chantier naval ni lorsque l’on met le pied à terre. »

La position officielle de la Suisse qui déconseillait ce « voyage » interroge. À la demande du comité de la section SEV-VPT-Lac Léman, la direction du SEV a écrit au conseiller fédéral Cassis le 22 septembre pour lui demander « instamment de faire tout [son] possible pour [...] que nos collègues bénéficient de la sécurité et de la protection nécessaires et [...] du soutien diplomatique nécessaire du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) et du Conseil fédéral. » La commission centrale VPT a appris avec satisfaction cet envoi. « Obtenir le soutien du DFAE constituerait une première étape vers un changement de comportement de la Suisse et la fin de de sa complicité et sa complaisance envers Israël », insistent nos deux collègues à bord.

Arrestation illégale et rapatriement en Suisse

« La Suisse apportera l’assistance consulaire prévue par la loi, a assuré à l’ATS le 24 septembre le porte-parole du DFAE. Notamment pour des conditions de détention conformes à la dignité humaine, des garanties de procédure et du droit à une défense. » Marco et Lionel, comme plus de 450 militant·es de la flottille, ont été arrêtés illégalement au matin du 2 octobre. Ils ont été transférés à la tristement célèbre prison de Ketziot. Le SEV et l’USS a demandé instamment à Cassis « d’agir par tous les moyens à [sa] disposition pour obtenir [leur] libération rapide. » Lors de la visite des équipes consulaires, celles-ci ont clairement indiqué qu’elles n’étaient pas en mesure d’agir. Les conditions de détention sont inhumaines et les traitements humiliants et dégradants : privation de sommeil, manque d’accès à l’eau et à la nourriture, absence de soins, violences verbales et psychologiques. Grâce à... la Turquie, Lionel et Marco ont pu être rapatriés en Suisse le 5 octobre. Leur compagnon d’équipage Stéphane et les neuf derniers ressortissant·es suisses encore emprisonnés ont été expulsés d’Israël vers la Jordanie ce mardi 7 octobre et sont arrivés en Suisse mercredi 8 octobre dans l'après-midi.

Yves Sancey

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